Les cancers attribuables au mode de vie et à l’environnement en France, en 2015
Santé Publique France a publié en juin 2018 le n°21 du Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire (BEH). Ce numéro présente une étude dont l’objectif est d’estimer la part des cancers attribuables à certains facteurs de risques environnementaux et comportementaux en France métropolitaine, en 2015 chez les adultes de 30 ans et plus.
La méthodologie de cette étude est décrite de façon très précise dans le premier article du BEH tandis que le second article expose les résultats.
Méthodologie
Groupes de travail
Afin de mener à bien ce projet, des groupes de travail ont été mis en place. Un groupe de travail par facteur de risque (2 à 8 experts/ groupe de travail), un comité consultatif international constitué d’experts internationaux dans le domaine des estimations de fractions de cancers attribuables aux facteurs de risques comportementaux ou environnementaux. Un comité de pilotage a également été mis en place regroupant des personnes de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, Santé Publique France, L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et l’Institut Gustave Roussy. Au total, plus de 80 collaborateurs ont participé à ce projet.
Données
Treize facteurs de risques ont été pris en compte dans cette étude : tabagisme ; alcool ; alimentation ; surpoids/obésité ; activité physique insuffisante ; utilisation d’hormones exogènes ; allaitement sous-optimal (<6mois/enfant) ; infections ; radiations ionisantes ; pollution air extérieur ; UV ; expositions professionnelles et exposition aux substances chimiques en population générale.
Ces facteurs de risque ont été sélectionnés selon les critères suivants:
- être classés certainement ou probablement cancérigènes par le Centre International de Recherche dans le Cancer (CIRC), ou pour les facteurs nutritionnels (alimentation, activité physique), présenter un niveau de preuve convaincant ou probable d’après le World Cancer Research Funds,
- être modifiable au niveau population,
- disposer de données d’exposition représentatives de la population française,
- avoir une estimation de risque fiable pour chaque paire exposition/localisation de cancer.
Les données utilisées sont issues de plusieurs sources : le réseau Francim (données des registres) pour les données d’incidence, d’enquêtes nationales représentatives de la population française, de méta-analyses d’enquêtes de cohorte ou d’étude cas-témoins.
Les niveaux de référence pour chaque facteur de risque ont été définis comme l’exposition associée au risque de cancer minimal. Quand cela était pertinent, l’exposition nulle était considérée pour la référence. En revanche, pour les facteurs protecteurs face au risque de survenue d’un cancer, la référence était le niveau recommandé pour la population française (ex : 6 mois ou plus pour la durée de l’allaitement maternel).
Une période d’au moins 10 ans entre l’exposition au facteur de risque et la survenue du cancer a été considérée pour prendre en compte le temps de latence.
Résultats
Parmi les 346 000 nouveaux cas de cancer diagnostiqués chez les adultes en France en 2015, 142 000 seraient attribuables aux facteurs de risques étudiés dans cette étude, soit 41% du total.
Sans surprise, le tabagisme est le facteur de risque responsable du plus grand nombre de cancers avec 68 000 nouveaux cas en 2015 (20% du total des cancers). L’alcool est quant à lui responsable de 8% des cancers. L’alimentation et le surpoids/obésité arrivent ensuite avec chacun 5,4% des cancers.
Les résultats diffèrent selon le sexe, liés notamment à des modes de vie et de consommation différents entre les hommes et les femmes. Par exemple, le nombre cas de cancer attribuables au tabagisme est de 29% chez les hommes et de 9,3% chez les femmes. Après le tabagisme et l’alcool, l’alimentation et l’exposition professionnelle sont les facteurs de risques responsables du plus grand nombre de cancers chez les hommes tandis que chez les femmes la 3ème cause majeure est le surpoids/obésité.
Par ailleurs, le mode de vie et l’environnement n’ont pas le même impact sur tous les cancers étudiés. En effet, si on prend en compte les trois cancers les plus fréquents chez les hommes, la part des cancers liés à des facteurs de risque évitables est très différente selon la localisation.
Pour le cancer de la prostate, seulement 0.6% seraient liés aux facteurs de risques étudiés alors que cette part atteint les 56% pour le cancer colorectal et 93% pour le cancer du poumon.
Au total, en 2015, 35 000 nouveaux cas de cancer du poumon, 20 000 cas de cancer du sein et 19 000 cas de cancer colorectal sont attribuables à des facteurs de risque évitables.
Plusieurs hypothèses ont été faites a priori ; pouvant apporter quelques limites dans l’interprétation des résultats :
- les facteurs de risque retenus sont ceux connus par un niveau de preuve élevé. Ainsi certaines expositions dont les niveaux de risque n’ont pas encore été assez étudiés n’ont pas pu être inclus dans cette étude. C’est le cas notamment de certaines expositions chimiques : perturbateurs endocriniens ; glyphosate…
- il est fait l’hypothèse que la population française est exposée de façon similaire à celle des populations des études estimant les risques,
- seuls les cancers survenus chez les adultes de 30 ans et plus ont été pris en compte,
- il est fait l’hypothèse que les facteurs de risques étudiés sont indépendants les uns des autres.
Les résultats de cette étude montrent qu’une grande part des nouveaux cas de cancer est attribuable au mode de vie et à l’environnement. Ces cancers pourraient être en partie évités. Sur la base de ces résultats, les campagnes de lutte et prévention ciblées pourraient se développer.
Étudier l’association de plusieurs facteurs de risque dans la survenue de certains cancers serait également intéressant pour mieux cibler les actions publiques et réduire l’incidence des cancers liés au mode de vie et à l’environnement.
Pour en savoir plus, téléchargez le BEH N°21 de Juin 2018.